Les voyages de Jean Sans Terre II
De Javier de Susi
On
retrouve ici Vasco, le héros nonchalant et désabusé des voyages de Jean Sans
Terre. On l’avait laissé sur les terres du Chiappas (cf. La pipe de Marcos). Il
poursuit sa quête sur les traces de son ami Jean. Ici, il est encore question
de Révolution, mais plus précisément des Contras, mouvement financé par les
Etats-Unis pour s’opposer au mouvement sandiniste, d’inspiration marxiste, qui
a pris le pouvoir au Nicaragua en 1979. Javier de Susi fait à nouveau le choix
de traiter d’une histoire qui a été effacée de la mémoire collective par
l’indifférence des médias.
Vasco
se rend sur l’île d’Omepete située sur le lac Nicaragua. Il y fait la
connaissance d’un groupe de jeunes gens réfugiés dans la jungle, d’une
communauté vivant dans une grande maison, d’un écrivain en manque d’inspiration
et d’un gourou dirigeant un orphelinat. Les références littéraires et
cinématographiques s’accumulent à commencer par J. M. Barrie, Peter Pan, les
enfants perdus et le capitaine Crochet, sans jamais alourdir le propos.
Paola,
une des amies de Vasco, dit dans les premières pages du livre que « Nous
sommes ce que nous racontons que nous sommes. » A travers le parcours de
Vasco, il s’agit donc ici de l’histoire de chacun. Les personnages racontent
tous leur propre histoire, qui est aussi celle d’un peuple, d’un pays, d’un
continent. Vasco lui refuse de se raconter. Il est l’antihéros qui
deviendra malgré lui celui qui change la permanence des choses.
Conte
philosophique, le dessin en noir et blanc de Javier de Susi traduit aussi à
merveille les différents niveaux du récit. On y trouve des ruptures de ton qui
n’existaient pas dans le premier tome. Notamment quand il s’agit d’illustrer le
propos des enfants rencontrés par Vasco, le dessin devient beaucoup plus
enfantin. La forme épouse au mieux la narration.
Dans
cet ouvrage très convaincant, l’auteur poursuit ce qu’il avait entamé dans le
premier tome, une geste politique et poétique à travers les endroits oubliés de
l’Amérique latine. Vasco, son personnage principal, est plus que jamais
l’héritier du grand Corto Maltese. Et toutes ces références assumées, donne à
lire un roman graphique d’une grande qualité.
Fiche technique
Scénario et dessin : Javier de Susi
Editeur : Rackham
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